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Recensione di Moreno Andreatta, in Musurgia, VIII, 3-4, 2001 La parution de cet ouvrage de Luigi Verdi, centré autour du problème de l'organisation des hauteurs dans l'espace tempéré, fait partie des événements majeurs dans le panorama musicologique italien. Il s'agit de la première étude exhaustive en italien sur la Set Theory d'Allen Forte, une théorie qui, comme beaucoup d'autres approches analytiques américaines, reste assez méconnue dans la plus grande partie des pays de l'Europe continental. L'un des grands mérites de cet ouvrage, au-delà de la richesse d'informations ressemblées par l'auteur et proposées au lecteur d'une façon extrêmement claire et détaillée, est d'inscrire les théories américaines dans une perspective qui, incluant aussi de nombreuses contributions Européennes, ouvre la réflexion théorique aux domaines de l'analyse musicale et de la composition. Le choix de l'espace tempéré comme système sonore de référence, en utilisant une terminologie récurrente dans des traités italiens de théorie de la musique (Azzaroni, 1997), est le point de départ pour une définition rigoureuse d'objets musicaux élémentaires (hauteurs et intervalles), de premières généralisations (classes de hauteurs et classes d'intervalles) et d'opérations (transpositions, inversions, permutations…). Le premier chapitre (Théorie générale) est dédié à une présentation systématique des propositions théoriques parmi les plus célèbres de l'école américaine, de Babbitt à Rahn en passant par Lewin, Hanson, Martino, Perle, Forte, Howe. Le lecteur est ainsi amené progressivement au concept de vecteur d'intervalles, terme qui selon Verdi est déjà utilisé par Hanson depuis les années 50 et qui est ici analysé dans son rapport avec d'autres outils conceptuels, tels que fonction et contenu intervallique. Les propriétés de base du vecteur d'intervalles (pp. 78-81) découlent de certains résultats élémentaires sur le contenu intérvallique (en particulier le théorème de notes communes et le théorème des hexacordes) que l'auteur nous présente en suivant une approche purement combinatoire, comme on le retrouve dans la plus grande partie des études américaines sur le sujet. Le choix du champ combinatoire explique très bien le propos de cet ouvrage qui s'adresse surtout aux musicologues et compositeurs. Pour le lecteur qui voudrait approfondir les aspects théoriques et mathématiques du problème, anticipons une remarque qui accompagnera cette note de lecture comme une sorte de parcours parallèle autour du problème de l'organisation des hauteurs dans l'espace tempéré. Il s'agit de reconnaître dans toute division de l'octave en un nombre quelconque de parties égales une structure algébrique et, plus précisément, une structure de groupe (cyclique), ce qui permet d'étudier les propriétés du vecteur d'intervalles à travers des méthodes issues de l'algèbre combinatoire. C'est le cas, par exemple, de l'approche suivie par M. Chemillier dans son étude sur la structure de monoïde libre en musique (Chemillier, 1987). Cette étude s'inscrit dans une ligne de recherche sur la formalisation de structures musicales et leur application dans l'informatique musicale qui a été inaugurée en France par A. Riotte (1979). On peut aussi mentionner, dans le versant de la musicologie américaine, la relecture algébrique de la théorie de Forte faite par D. Lewin (Lewin, 1987) dans un ouvrage théorique qui a déjà conduit à de nombreuses applications analytiques (voir les commentaires de I. Bent et A. Pople à l'entrée "Analysis" dans le New Grove II, première édition disponible en ligne à l'adresse http://www.grovemusic.com). Le deuxième chapitre (Autour de la technique combinatoire) offre d'autres outils pour comprendre les enjeux de la classification des structures d'accords. Le principe sous-jacent est celui de réduire progressivement le nombre des sous-ensembles théoriquement possibles à l'intérieur du total chromatique (212=4096, en incluant l'ensemble vide et l'ensemble total) grâce au concept mathématique d'équivalence (propriété réflexive, symétrique et transitive). Ce concept est suffisamment général pour comprendre comment la théorie de Forte (équivalence à une transposition et une inversion près) n'est qu'une instance particulière parmi les méthodes possibles de classification d'accords. On peut toujours se restreindre à la seule opération musicale de transposition qui définit, elle aussi, une relation d'équivalence. On obtient ainsi les 352 structures d'accords à une transposition près qui ont été objet de plusieurs élaborations théoriques, souvent indépendantes, comme le lecteur peut le vérifier grâce à la très riche collection de propositions terminologiques recueillies et commentées par l'auteur (p. 46). Le compositeur et théoricien Milton Babbitt a été sans doute parmi les premiers à appliquer à la musique la relation mathématique de congruence (Babbitt, 1960) avec une conscience de type algébrique (car l'idée de la congruence modulaire en musique remonte au théoricien du XIX siècle Camille Durutte). D'autres compositeurs et théoriciens européens, de Busoni à Messiaen, en passant par Hauer, Hindemith, Krenek, sont traités dans le quatrième chapitre (Quelques repères historiques) qui n'hésite pas à mettre en lumière certains éléments parfois ésotériques de ces approches. C'est le cas, par exemple, de la théorie des tropes de Hauer (p.174), dont la composante pythagoricienne se retrouve dans le système théorique élaboré par Simbriger (p. 177), ou des échelonnements de Costère (p. 179). À la différence de Verdi, qui ne cache pas une certaine sympathie pour cette étude, on ne peut pas ne pas inclure dans cette liste le système de J. Schillinger (1941), un travail qui à notre avis n'arrive pas à donner un fondement rigoureux aux problèmes de théorie musicale, et cela malgré le fait que plusieurs compositeurs (de Gershwin à Cowell) aient pu en tirer des applications compositionnelles intéressantes. Aux différents critères de classification d'accords sont dédiées les tables du cinquième chapitre (Classification des ensembles) qui résument les contributions de 13 théoriciens : Babbitt, Busoni, Costère, Forte, Hauer, Martino, Mazzola, Perle, Pinos, Rahn, Solomon, Simbriger et Starr. Ajoutons à la liste déjà très riche une référence à deux théoriciens de l'Europe de l'Est, auteurs des systèmes de classification extrêmement poussés du point de vue mathématique : le Polonais M. Zalewski (1972) et le Roumain Anatol Vieru (1980). Dans le cas de la théorie des structures de Zalewski, plusieurs études en Italie ont montré les liens étroits avec la Set Theory d'Allen Forte (Moscariello, 1995). Notons l'attention particulière du théoricien polonais à la dimension cognitive qui représente un aspect important des recherches contemporaines sur le sujet (Cross, 1997). Pour ce qui concerne A. Vieru, sa théorie modale est, selon son auteur, si proche à la Set Theory que l'on peut parler de théories "synonymes" (Vieru, 2000), car même si les deux théories proviennent de domaines éloignés "chacune de ces théories a transgressé son domaine initial, en arrivant au même modèle de pensée musicale intervallique, et ce, à l'intérieur du système tempéré". Un aspect de la théorie modale la rend au même temps assez proche de certains travaux de musicologues français. Il s'agit, selon Vieru, d'une des questions parmi "les plus spécifiques, délicates et mystérieuses de la musique : la dualité son/intervalle". Dans un article sur une possible typologie des classes modales, Marcel Mesnage a lui même discuté le problème de la dualité des hauteurs et des intervalles en s'appuyant sur la formalisation de l'échelle chromatique proposée par Iannis Xenakis dans Musiques Formelles (Mesnage, 1997). Sans avoir besoin de passer par l'axiomatique de Peano, Vieru utilise la structure de groupe cyclique pour montrer comment l'opération de transposition est à la base de la correspondance entre collection de résidus (ou configuration de degrés) et structure intervallique (ou partage dans la terminologie de Mesnage). La représentation circulaire permet notamment de visualiser les caractéristiques principales d'une structure intervallique, en particulier celle d'être invariant par rapport à toute transposition d'une même classe de degrés. Notons que le fait de représenter de façon graphique un système tempéré à n-degrés, sous la forme d'un cadran d'horloge (Riotte, 1979) ou bien en trois dimensions à l'aide d'une structure toroïdale (Balzano, 1980) permet de mieux comprendre la nature géométrique de certaines propriétés musicales. C'est le cas, par exemple, de la symétrie transpositionnelle à laquelle Verdi dédie tout le sixième chapitre (Les gammes symétriques dans la musique du XXème siècle). En empruntant la définition donnée dans le premier chapitre, la symétrie transpositionnelle exprime le fait que "certains accords ont la propriété de se présenter égaux à l'accord d'origine à un niveau de transposition inférieur à 12" (p. 41). Dans la terminologie de Messiaen, de tels accords ont la propriété d'être à transposition limitée. Et s'il est vrai que Messiaen pose l'impossibilité mathématique d'obtenir plus de 7 modes ayant cette propriété, affirmer, comme Verdi, qu'ils sont en réalité 16 demande une mise en discussion du concept même de mode (autrement dit, l'intervalle de triton ne pouvait pas trouver une place à l'intérieur de l'espace modal conçu par Messiaen). Au contraire, une telle classification n'est plus problématique si on adopte le point de vue de Vieru et Mesnage que l'on vient de discuter. Il suffit de définir un mode comme un ensemble quelconque de résidus indépendamment du nombre de degrés (cardinalité ou isophonie pour reprendre la terminologie de Mesnage). Ajoutons que la classification complete de tout mode à transposition limitée dans un temperament donné, qui a été établie indépendamment par plusieurs mathématiciens (E. Amiot, D. T. Vuza et G. Mazzola), montre clairement la puissance et l'élégance de la méthode algébrique appliquée à la musique. En outre, plusieurs problèmes théoriques liés à cette propriété à la fois mathématique et musicale, sont toujours ouverts, comme on s'en aperçoit si l'on cherche son équivalent dans le domaine du rythme musical. La question de la dualité rythme/hauteurs nous amène au cœur du septième et dernier chapitre (La réversibilité du temps musical), en particulier pour ce qui concerne la technique de rétrogradation rythmique (p. 340). D'où la référence aux rythmes non rétrogradables, séquences palindromiques de durées qui réalisent, selon Messiaen, une "analogie complète" (Messiaen, 1944 et 1992) entre l'univers des hauteurs et l'univers des rythmes. Ne commentons pas cette affirmation qui pose évidemment des problèmes du point de vue mathématique. Ajoutons simplement que pour pouvoir lire, au niveau rythmique, des propriétés structurelles analogues à celles qui sont considérées dans l'organisation des hauteurs, il est nécessaire de construire un modèle algébrique du rythme musical. On citera ici l'application de la théorie des cribles de Xenakis dans le domaine rythmique, dont une étude formalisée a été proposée par Riotte et al. (1986), qui a donné lieu notamment à la composition de l'œuvre d'A. Riotte Partitions-gouffre. Un autre exemple est le modèle du rythme périodique de Vuza (1985). Ce dernier permet une formalisation rigoureuse de la forme musicale du canon rythmique, une idée qui remonte à Messiaen auquel on doit l'introduction et l'emploi systématique des formes canoniques dans lesquelles l'imitation entre les parties concerne exclusivement des valeurs rythmiques, indépendamment d'autres paramètres comme mélodie et harmonie. À cette forme musicale est liée la propriété de transposition limitée, une fois interprétée rythmiquement et en relation avec d'autres propriétés musicales, comme la partition transpositionnelle (p. 119; p. 137; p. 206). Elle est, en effet, à la base d'une famille fort intéressante de canons rythmiques ayant la propriété de saturer complètement l'axe du temps avec une pulsation régulière et sans superpositions ni trous parmi les différentes voix. Encore une fois la référence à Messiaen s'impose, du fait que, dans plusieurs canons, le compositeur cherche la complémentarité maximale entre les différentes parties, sans pourtant pouvoir la maîtriser entièrement, à cause de la complexité algébrique du problème. L'ouvrage de Verdi nous apprend en tout modestie à ne pas sous-estimer le fondement théorique de certaines intuitions musicales qui pourront éventuellement s'incarner dans la forme d'une composition (comme il suggère dans le troisième chapitre : Quelques applications compositionnelles) ou enrichir le bagage des outils de plus en plus nécessaire dans l'analyse musicale. Moreno ANDREATTA Bibliographie: |
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